nouveau centre hospitalier de Rennaz :
défis et promesses d’un grand chantier

CET AUTOMNE 2019, LE NOUVEAU CENTRE HOSPITALIER DE RENNAZ OUVRIRA SES PORTES.
NOUS AVONS DEMANDÉ À SON DIRECTEUR, PASCAL RUBIN, D’ÉVOQUER AVEC LEILA NICOD
LES DÉFIS ET LES PROMESSES DE CE GRAND CHANTIER.

Il n’est pas banal, en Suisse romande, de voir sortir de terre un nouveau complexe hospitalier.
Quels sont les enjeux de cette naissance ?

P. Rubin. Le premier enjeu est de terminer à temps un bâtiment de 70’000 m2  et plus de 350 millions de francs d’investissement, processus parfois difficile lorsqu’on a des surfaces très sensibles comme des blocs opératoires et des centres d’imagerie. Le second enjeu est de préparer le changement professionnel dans ses dimensions pratiques et techniques. Il s’agit de former nos collaborateurs à leur nouvelle affectation et, en quelque sorte, de les « former au bâtiment ». Une infirmière passant du Samaritain à Rennaz devra prendre ses repères, s’approprier les locaux et les circulations avant l’ouverture; à cette fin nous avons mis en place des exercices virtuels en 3D et des formations sur site.

Le nouveau Centre hospitalier. A droite, les bâtiments de l’Espace Santé. Photographie Sandra Culand.

A terme, les 6 sites hospitaliers actuels se verront soit fermés soit voués à de nouvelles affectations (cf. schéma ci-dessus). C’est plus qu’un changement, une révolution. Comment est-elle vue par vos collaborateurs et dans la population?

P. Rubin. C’est le troisième grand enjeu: faire comprendre qu’il ne s’agit pas d’un simple « déplacement », mais que l’hôpital va complètement changer, dans son fonctionnement, dans sa manière de prendre en charge, dans ses relations avec les partenaires. Peu de gens perçoivent ce que nous coûte, en termes d’efficience et de qualité du soin, la dispersion de nos prestations dans six lieux distincts. Un exemple : nous avons actuellement 4 sites d’urgences ; or on ne peut pas disposer de médecins seniors 24 heures sur 24 sur ces quatre sites. Le résultat est que souvent une personne arrivant aux urgences est examinée par un assistant et qu’elle doit attendre parfois plusieurs heures avant d’être vue par un cadre. Autre dysfonctionnement : nous avons 4 blocs opératoires dans quatre endroits différents avec en moyenne pour chacun une opération toutes les trois nuits seulement. Cette dispersion est un héritage historique : nos vieilles infrastructures ont été conçues à une époque où les patients restaient facilement trois semaines à l’hôpital. Aujourd’hui, trois sur quatre sont accueillis en ambulatoire. L’offre de soins sera donc à la fois plus efficiente et plus sécuritaire, plus complète aussi car nous pourrons prendre en charge la cardiologie et les accidents vasculaires cérébraux auparavant transférés vers Sion ou Lausanne. Reste à le prouver concrètement dès l’ouverture d’ici à la fin de l’année 2019 !

Quel sera l’impact sur les relations entre les partenaires du réseau de santé ?

L. Nicod. Le succès dépendra effectivement de tout ce qui se passera en amont et en aval du séjour hospitalier. En amont, la qualité de la prévention et, en aval, la qualité et la sécurité des soins lors du retour à domicile seront essentielles pour que le système de santé, pris dans sa globalité, facilite l’accès au public. De ce point de vue, le rôle de l’Equipe d’intervention rapide dans sa coopération avec ASANTE SANA sera crucial en tant qu’interface entre médecins traitants et hôpital. C’est notre capacité à travailler ensemble qui gagnera la partie.

P. Rubin. Cela supposera aussi une implication plus soutenue des médecins traitants, avec une participation collective à la garde médicale et des visites à domicile plus nombreuses – le problème restant la différence de densité médicale entre la Riviera et le reste de la région Est.

L. Nicod. Il s’agit de garder à l’esprit que nous travaillons sur des estimations. Si l’on reprend l’exemple de l’Equipe d’intervention rapide, nous ne pouvons pas prévoir exactement le nombre d’hospitalisations évitées ou alors raccourcies dans la durée de séjour. Il paraît clair qu’elle devra être « jumelée » avec des équipes hospitalières et/ou des équipes de soins à domicile. Sinon, la variabilité de la demande, inévitable dans le registre des urgences – surtout si on veut assurer un service 24 heures sur 24 – fera que ses membres connaîtront des creux d’activité. Nous avons la chance de pouvoir bénéficier de l’expérience qui a eu lieu dans notre région lors de la mise en place de l’Equipe mobile retour à domicile des hôpitaux : ASANTE SANA était pionnière dans le canton.

Qu’en est-il du nombre de lits d’hospitalisation ?

P. Rubin. Nous verrons une légère diminution du nombre de lits de soins aigus mais une augmentation du nombre de lits de gériatrie et de réadaptation pour arriver à un total de 510 lits. Nous aurons, après rénovation complète des deux sites du Samaritain et de Monthey, 75 lits de gériatrie et 75 lits de réadaptation : ainsi, certains patients âgés pourront entrer directement en gériatrie sans passer par Rennaz – une réponse au vieillissement de la population. Nous renforçons ainsi une prise en charge de proximité pour cette population vieillissante. Au bout du compte, le dispositif global ne va pas diminuer, il va redéfinir les missions et mettre le patient au bon endroit.

Quelle sera la vocation de l’Espace Santé de Rennaz qui jouxte le nouvel hôpital ?

L. Nicod. L’Espace Santé est construit par des partenaires externes, des fondations qui sont très proches des hôpitaux et qui mettent à disposition des surfaces pour les acteurs du réseau. Avec l’hôpital, il forme un « Campus Santé » mettant tout le monde en proximité. Ce sera aussi un lieu de partage, avec une cafétéria commune, où ces différents acteurs pourront échanger sur leurs métiers et leurs expériences. Un cadre idéal pour favoriser l’esprit de collaboration qui est déjà bien présent dans notre région – incarné aussi, il faut le rappeler, par notre structure fédératrice : le Réseau Santé Haut Léman.