FINANCES: UN éCLAIRAGE
SUR LE «TAUX DE SUPPORT»

QUANTITATIVEMENT PARLANT, LE CRITÈRE LE PLUS SIGNIFICATIF POUR JUGER DE L’EFFICIENCE D’UNE ORGANISATION DE SOINS à DOMICILE EST SON TAUX DE SUPPORT. JOHN GROSSET, RESPONSABLE DES FINANCES, EXPLIQUE QUELS SONT LES FACTEURS QUI L’IMPACTENT LE PLUS FORTEMENT.

Comment définiriez-vous le taux de support ?

Pour nous financiers, le taux de support est un concept, un indicateur qui va de soi. Nous l’utilisons quotidiennement, mais il n’est pas toujours compris par le personnel et le public.
Dans le contexte de travail d’aide et de soins à domicile, les exigences imposées par les assurances maladies nécessitent de facturer chaque acte de soin dans sa durée. Ainsi, nos collaborateurs sur le terrain relèvent très précisément leurs activités journalières dans le système Medlink (dossier client informatisé). Or, il y a des activités facturables et d’autres non. Le taux de support est le ratio entre le facturable et le non facturable. Est facturable ce qui peut être envoyé à l’assurance maladie ou à nos clients : soins de base (soins d’hygiène et de confort) et soins infirmiers (ergothérapie, aide au ménage, évaluation, etc.). A l’instar des médecins, nous les comptons à la minute près, au tarif fixé par la LaMAL. Dans les activités non facturables, on trouve essentiellement les déplacements, la planification et la coordination, la gestion du matériel de soins, ainsi que les heures de formation et de colloques (cf. schéma en page de droite). Soulignons que les soins prodigués par nos CMS sont de qualité et sont sécurisés par toutes ces activités non facturables. Sans elles, nos équipes pluridisciplinaires ne pourraient pas pleinement remplir leurs missions. Le but est de maintenir le taux de support le plus bas possible car les heures non facturables sont payées aux collaborateurs grâce à la subvention cantonale, c’est-à-dire par les contribuables.

Quels facteurs influençent le taux de support ?

Il faut d’abord préciser que celui-ci n’est pas le même selon les métiers. Celui d’une auxiliaire sera plus bas que celui d’une infirmière. Cette dernière aura davantage d’heures de formation, de coordination avec les médecins et partenaires, de gestion d’information pour le traitement avec les assurances qui exigent de plus en plus de justifications. Une auxiliaire passera essentiellement sa journée chez les clients pour prodiguer des soins de base. Ce sont ses déplacements qui ont le plus d’impact, un élément sur lequel elle n’a pas de prise puisqu’il dépend de la bonne organisation de sa tournée, et aussi de contraintes objectives comme la météo et l’état des routes – à Château-d’Oex, en hiver, le taux sera forcément moins bon que sur la Riviera !
La manière dont les activités sont entrées dans le système Medlink joue aussi un rôle : certains collaborateurs hésitent parfois à comptabiliser le temps passé à discuter avec le patient, à prendre des nouvelles de sa famille, etc. parce que ce n’est pas du soin proprement dit. Or, cette activité prévue dans la planification est nécessaire, car c’est un aspect psycho-social qui compte beaucoup pour l’état d’esprit des clients, donc aussi pour leur état de santé général.
Cependant, c’est la qualité et la cohérence de la planification des tournées qui a le plus d’impact sur le taux de support du terrain.

Pourquoi ?

Dans une tournée réussie, l’infirmière ou l’auxiliaire enchaînent les visites sans stress et sans heures blanches (annulation de prestations par le client), avec des déplacements cohérents. Le taux de support sera optimal, comme la satisfaction au travail. Or, la tâche des planificatrices est complexe. Chaque matin, elles doivent faire face aux imprévus : absences de clients, ou de collaborateurs empêchés, demandes de changement d’horaire de visite de certains clients pour passer un examen médical ou régler un problème familial, par exemple. Une planificatrice peut avoir organisé une tournée parfaite sur le papier, mais tout est à refaire si une collaboratrice est malade. De plus (et c’est normal), tous nos clients voudraient qu’un soin de base comme la douche soit donné en début de journée… Il faut beaucoup d’expérience et de résistance au stress pour régler tous ces problèmes au quotidien.

Dans un contexte où la planification a autant
d’importance, quel est l’impact de l’absentéisme ?

Nous avons un taux d’absentéisme supérieur à la moyenne cantonale, pour des raisons multiples, notamment liées à une très forte fluctuation d’activité ce qui a pour conséquence des changements fréquents de planification. La baisse sensible d’activité a péjoré la situation. Bien des mesures sont prises pour contribuer à influer sur les raisons de ces absences. L’impact financier majeur est le fait de devoir engager des intérimaires. D’abord, pour le client, il n’est pas souhaitable d’introduire un nouvel intervenant pour lui apporter du soin et, de surcroît, le coût financier est plus élevé. Ensuite, à moins de tomber sur une personne qui a une bonne expérience à la fois des soins à domicile et de la géographie régionale, il y a un temps d’adaptation pour atteindre une pleine efficacité. Ce devrait donc être une solution d’urgence uniquement, pour pallier des événements exceptionnels (grippe dans une équipe, arrivée simultanée de plusieurs situations lourdes et complexes, etc.). Autre inconvénient : les absences de courte durée sont souvent signalées tardivement, parfois seulement le matin-même où la personne devrait prendre son travail, ce qui complique le casse-tête quotidien des planificatrices. Quant aux absences de longue durée, elles ont aussi un impact sur les équipes, qui doivent se réorganiser pour y faire face.

Le turn-over est-il aussi à prendre en compte ?

Là, nous avons pu réduire ce taux depuis 5 ans en fidélisant davantage nos collaborateurs. L’impact du turn-over cependant peut être significatif : si une infirmière nous quitte, nous devrons souvent la remplacer par une personne qui a toutes les compétences techniques, mais n’a pas encore d’expérience dans les soins à domicile ; on compte qu’il faudra deux ou trois mois pour qu’elle soit parfaitement à l’aise dans cet environnement professionnel particulier et, pendant cette période, son taux de support sera évidemment moins favorable puisque la formation et l’encadrement par les pairs (non facturables !) prendront beaucoup de place. Cet aspect est moins marqué chez les auxiliaires et les ASSC.

En 2018, après quatre ans d’augmentation
continue, ASANTE SANA a vu ses prestations
diminuer de 5 %. Peut-on en identifier les raisons ?

Il y a plusieurs facteurs possibles, mais dont l’impact est difficilement évaluable. Dans un petit CMS comme Chaussy, le décès ou le placement de quelques clients qui étaient dépendants de nombreuses interventions hebdomadaires peut suffire à expliquer une partie de la baisse d’activité. Ce facteur joue moins dans un grand CMS comme celui de La Tour-de-Peilz.
Autre incidence : la concurrence des OSAD privées et des infirmières indépendantes. Pour des raisons économiques évidentes, les OSAD privées s’implantent de préférence dans les communes où le revenu moyen est élevé, et ce facteur peut avoir joué dans le cas de La Tour-de-Peilz ou de Vevey. Il faut souligner cependant que les conditions de cette concurrence ne sont pas égales parce que, ni en fait ni en droit, les OSAD privées n’ont l’obligation d’intervention. Elles peuvent donc éviter les cas les plus lourds ou les plus éloignés géographiquement.

Quelles sont les conséquences de cette variabilité des prestations sur vos résultats financiers ?

Elles sont importantes puisque les charges de structure de notre organisation (locaux, matériel, salaire des collaborateurs du back-office) restent, elles, au même niveau qu’en 2017. On parle ici du taux de support global, c’est-à-dire du ratio entre les produits du financement public par l’AVASAD et ceux de la facturation. En 2018, ce taux s’est ainsi péjoré, notamment en lien avec la baisse d’activité.